André Jomelli
Dans la dernière période de mes années d'études voilà 45 ans, j'ai abandonné ce qu'on appelle la figuration pour le non figuratif. Ces mots sont à entendre avec circonspection. Je ne connais pas un seul mot philosophiquement correct pour qualifier ce courant dit Art abstrait. A la place du motif, j'ai mis le prétexte et la série car le grand danger de l'art abstrait, me semble t-il, est de tomber dans le décoratif s'il n'est pas soutenu par un thème, par une parole initiale et initiatique.
Regard de François Mathey sur le peintre André Jomelli.
Parler d'un peintre est a la fois une angoisse et un risque. Angoisse d'être juste convainquant, d'exprimer maladroitement l'ambition de l'artiste, d'être serviteur et juge sans que la nécessaire amitié devienne flagornerie. Pour comprendre et donner à partager une œuvre il faut remonter aux sources, s'orienter à tâtons sans autre béquille que l'imagination, trompeuse quelquefois, hasardeuse en tout cas. Or l’œuvre de Jomelli n'est de celles que l'on découvre à pas comptés en dénombrant les petits cailloux du sentier. D'emblée, il y a déjà près de 30 ans, il vous flanquait sa peinture en pleine figure tant elle est généreuse, intense à prendre ou à laisser. Les sources étaient évidentes. Matisse bien sûr. Il y avait beaucoup d'amour, un amour fou de la couleur, de l'énergie à revendre, l’espace à conquérir. Tant de santé refuse la parcimonie, elle s'exprime dans le geste large, jeté qui éclate sur la toile et tant pis s'il éclabousse. Ainsi se proclame la joie. Mais le tableau de chevalet n'était guère à sa dimension physique; il lui fallait du mur et il a fait des murs pour assumer sa passion. L'espace mural permet aussi le combat où se heurtent, déchirent, de violentes tensions. Le mur fut le champ clos de bataille d'où émerge dans une lumière parfois confuse le sentiment de la paix. Le temps qui passe règle les énergies sans pour autant les brimer, pour mieux les éprouver et mieux prouver la justesse et l'exigence intérieur qui les mènent. L'espace actuel de Jomelli demeure invarié mais se mesure aux dimensions exactes de la toile offerte qu'il bouscule là où se poursuit le rêve, l'exaltation des verts pâturages, quand le chant devient cantate, hymne à la joie.
Alors les intuitions du cœur font saisir les vérités profondes des êtres et le regardant, médusé, ébloui, a le sentiment faux mais vrai qu'il va approcher, peut-être atteindre, la plénitude d'un moment d'éternité.
En plein lyrisme comment demeurer comptable exact de sa jubilation, peser, soupeser, estimer, mais je sais que je m'égare pas. Jomelli est livré. Son aventure lui échappe; ce n'est plus qu'un problème de société. Sans rapport avec l'art.
A suivre.